samedi 9 mai 2015

Papotons à propos du CFA...

Parlons un peu du CFA…
L’information est passée presqu’inaperçue il ya quelques temps au Cameroun. Certes  quelques tabloïds y ont fait fugace allusion, mais très peu de camerounais savent que le 26  avril 2015, une manifestation pacifique contre le franc cfa devant se tenir à l’esplanade du Stade Omnisports de Yaoundé, a été étouffée par une escouade mixte  de policiers et de gendarmes qui interpelaient alors, tout ce qui bougeait dans les environs à l’heure prévue : 10H. Néanmoins sur les tee-shirts des manifestants, on pouvait lire : « 26 avril 2015, naissance du Cameroun souverain, c'est la mort du Franc Cfa et vive la monnaie camerounaise ».
Crée initialement en 1939, juste avant la seconde guerre mondiale, le franc CFA est officiellement né le 26 décembre 1945, jour où la France ratifie officiellement les accords de Bretton Woods, et procède à sa première déclaration de parité au FMI. Il est émis par la caisse centrale de la France d’outre-mer et signifie alors franc des colonies françaises d’Afrique. A partir de 1958, les initiales CFA désignent désormais  communauté financière africaine pour les 08 Etats de l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africain -Côte d’Ivoire, Benin, Burkina Faso, Niger, Togo, Guinée Bissau, Sénégal, Mali-) et la coopération financière de l’Afrique centrale pour les 06 pays de la CEMAC (communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale -Cameroun, Guinée Equatoriale, Tchad, Congo, Gabon, RCA-). En réalité il s’agissait d’une supercherie : le sigle (CFA) restait symboliquement le même. Même avec une signification différente, il revenait à maintenir  les pays africains sous le joug de l’instrument de domination coloniale. Du vin nouveau dans une vieille outre.
Il faut aussi noter qu’en plus des 14 pays de l’UEMOA et de la CEMAC il y a aussi la République Fédérale Islamique des Comores pour un total de 15 pays constituant les pays africains de la zone franc (PAZF).
            Les débats autour du franc CFA posent le problème de la politique de change adoptée par les pays africains de la zone franc (est-elle optimale ?). La problématique qui en découle renvoie à 03 questions :
-          celle de savoir si notre régime de change (change fixe) est optimal.
-          celle de savoir si la mise en œuvre des mesures et instruments habituels peut permettre au taux de change du franc CFA de jouer un rôle qui favorise les objectifs d’émergence et de développement économique des PAZF.
-          celle de savoir si la coopération monétaire adoptée par les pouvoirs publics des PAZF entre eux et vis-à-vis de leurs partenaires économiques (dont la France) est optimale (bonne, meilleure).
L’abord des deux premières questions doit en principe mobiliser une littérature quelque peu atrabilaire que je me propose d’épargner aux non-initiés. Ce qu’on peut en dire en termes simples est que le change c’est la conversion d’une monnaie en une autre. Le taux de change est donc le prix d’une monnaie. En clair lorsque pour un franc CFA je reçois 500 euros, on considère que les 500 euros, taux de change, constituent le prix du CFA. Comment ce prix est-il donc fixé ? Là intervient la littérature sur le régime de change. Mais pour l’essentiel il faut savoir qu’une nouvelle monnaie ne peut exister qu’en s’indexant sur une autre. Etant entendu qu’au sommet de la pyramide se trouve le dollar américain, monnaie internationale. Le Cameroun faisant partie du pré-carré français n’avait pas vraiment le choix. A priori s’indexer sur une monnaie ancienne ne constitue pas un frein au développement. Le Nigéria devenu première puissance économique africaine a  bien sa monnaie indexée au dollar. Alors pour comprendre pourquoi les pays de la zone franc n’arrivent pas à acquérir leurs monnaies collective ou respective, il convient d’interroger la coopération  avec la France.
Cette coopération est une simple coopération de maître à esclave (et non d’Etat à Etat). C’est pourquoi la France a tenu à garder le sigle CFA et tous les mécanismes d’asservissement qui y sont liés (dont le fameux compte d’opérations qui est tant décrié aujourd’hui) :
*les banques centrales africaines ne battent pas monnaie, car tous les billets FCFA sont fabriqués (imprimés) par la banque de France à Chamalières (qui est une commune française située dans le département du Puy-de-Dôme en région d’Auvergne sur l’aire urbaine de Clermont-Ferrand). Nous ne gérons pas notre planche à billet, c’est-à-dire que le pouvoir d’injecter des nouveaux billets de banque dans l’économie ne nous revient pas.
*la libre convertibilité CFA/Euro permet à la France de s’approprier les devises (euro ou dollar USD) obtenues par les PAZF à la suite des exportations ; elle récupère ces devises et nous fabrique du FCFA. Il faut comprendre en passant que la devise c’est la monnaie étrangère quelle qu’elle soit que nous gagnons lorsque nous vendons à l’extérieur. Car le CFA n’est pas une monnaie des transactions internationales.
*le compte des opérations
Selon la convention monétaire entre le France et les PAZF, ceux-ci doivent obligatoirement mettre en commun leurs avoirs extérieurs dans un fond de réserves de change déposé au Trésor Français dans un compte courant appelé compte d’opérations. Avant la convention de 1973 les banques africaines versaient 100% de leurs avoirs extérieurs dans ce compte, puis à partir de cette date, c’est 65% qu’ils furent tenus de verser. Mais depuis le 20 septembre 2005 ce taux est désormais de 50% pour la BCEAO, 60% pour la BEAC, et toujours de 65% pour la banque centrale des Comores. Comme contrepartie, le Trésor Français fourni aux PAZF ce dont ils ont besoin pour leurs règlements (intérieurs ou extérieurs) en devises comme pour dire que les africains ne sont pas matures pour gérer leur argent même 50 ans après les indépendances. En gros, les devises obtenues par les PAZF sont mises à la disposition de la France ; ce qui accroît sa capacité financière (puisque restant dans leur économie et à leur disposition, circulant, produisant des intérêts faibles pour l’’Afrique), et réduit la notre puisque ne circulant pas dans notre économie et nous étant faiblement rémunérés. De plus, toutes les transactions que les PAZF doivent effectuer avec de nouveaux partenaires (Chine, etc.) sont par ce mécanisme contrôlées par la France (c’est pourquoi avant de signer quoi que ce soit avec les chinois ou les indiens, on recherche d’abord le quitus de la France). Nous parlons de plusieurs milliers de milliards dont sont privées les économies africaines (l’esclave) et qui profitent à la France (le maître.
Mais au-delà, au point où nous en sommes, est-ce la France le seul vrai problème de l’Afrique? Sommes-nous capables de gérer nous-mêmes notre monnaie ? A quoi nous sert la francophonie ? Les autres partenaires (tels que la Chine, l’Inde, la Turquie, etc.) sont-ils une meilleure alternative pour nous ? On se penchera sur cette problématique une prochaine fois.
           


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