Mode
agriculture !
Ces
derniers temps et c’est le moins qu’on puisse dire, l’agriculture est à la
mode. Après les ballets folkloriques mais non moins budgétivores du salon de
l’agro-industrie et du festi-café, le retour sur terre comme d’habitude, est
plutôt douloureux. Les manchettes des quotidiens en disent long !
Mutations titrait alors il quelques jours : Philemon YANG, ESSIMI MENYE,
le clash ! faisant allusion à une sordide affaire de nominations au
MINADER annulées par le PM pour
incompétence. Le MESSAGER prenant le relais nous apprendra le lendemain qu’une
étude de l’ACDIC mettait une èénième à nu, les tares du programme maïs. Même le
très circonspect Cameroon tribune n’a pas manqué de revenir hier dans la
rubrique « regard », sur l’indigence du secteur agro-alimentaire.
Alors
puisque c’est à la mode, parlons-en ! D’ailleurs, le bât continue à
blesser au même endroit… On parle de nominations, de festival,
d’agro-industrie, mais quel est même finalement le visage de l’agriculture des
grandes réalisations ?
Le
Cameroun est une terre en friche. Selon les propres propos de Paul BIYA
lui-même à Maroua en 2011 lors de sa tournée de campagne, les terres arables
sont estimées à environ 7,2 millions d’hectares, mais seulement 1,8 million
d’hectares sont effectivement cultivés, tandis que le potentiel irrigable est
estimé à 240 OOO hectares, quand moins de 33 000 hectares sont
actuellement irrigués. C’est dire le potentiel qu’offre la disponibilité de ces
immenses terres, réputées fertiles. Ainsi la mise en valeur du potentiel agricole
du Cameroun reste très faible : seulement 17% des terres irrigables sont
exploitées, alors que 26% seulement des terres arables sont cultivées. Cette
situation largement déficitaire de mise en valeur de notre potentiel agricole
semble paradoxale au regard des multiples atouts dont dispose le Cameroun et
des besoins alimentaires d’une population en pleine croissance. Les Chiffres du
Bureau de recensement de la population (BUCREP) nous projettent à 25 millions
au 1er janvier 2015. Et dans cette insuffisante exploitation,
certaines zones font curieusement l’objet d’une pression foncière importante,
ce qui crée par ailleurs le problème du maintien de fertilité des sols et par
moments des troubles sociaux. Il est donc impératif de prendre des mesures de facilitation
de l’exploitation du patrimoine foncier par les populations, notamment les
jeunes, où qu’ils se trouvent. Car et c’est bizarre, sommes-nous en droit parce
que nous en avons hérité, de thésauriser des terres comme de l’argent ?
Mais
évidemment, dans un pays à peu près normal, cela induit la mise en place de
zones agricoles pilotes dont l’exploitation loin des agropoles foireux,
convoquerait une démarche interministérielle alliant MINADER, pour l’expertise
et la mise à disposition des intrants, le MINTP pour la desserte des terres et
les municipalités pour un meilleur suivi. Je ne prétends pas que l’étonnante
agitation en cours de monsieur AMBA SALLA sur le décret du 21 novembre 2014 ayant
réformé la maitrise d’œuvre technique est superfétatoire. On y reviendra…
Il
faut donc au-delà du mouvement sur place, repenser sérieusement la politique
agricole du Cameroun. Cela revient à se poser la question de savoir, quelle
agriculture et quels agriculteurs voulons-nous pour demain ? J’espère
qu’ils ne me prendront pas au mot pour convoquer demain des états généraux de
l’agriculture, eux qui sont en manque de folklore depuis le comice pour rien
d’Ebolowa. Je dis bien pour rien, même pas pour Ebolowa…
La
vision préconisée appelle à redéfinir
l’assistance technique. A l’instar de la « révolution verte »
d’Ahidjo, le gouvernement doit pouvoir mettre un terme un jour au laisser-aller
actuel en multipliant des opérations d’enrolement des jeunes dans des pôles
agricoles crées à cet effet comme cela fût le cas jadis avec, sodecoton dont on
annonce la faillite, hévecam ou encore la semry. Jean NKUETE au lendemain des
émeutes de la fin on s’en souvient avait balisé de grands axes de relance
qu’étaient le développement des filières stratégiques à travers un accent sur
l’installation des jeunes agriculteurs, un appui à l’acquisition des engrais,
des pesticides et du petit matériel agricole à hauteur de 20 à 50% (waouh), une
subvention du matériel végétal entre 75 et 100% je répète entre 75 et 100%, un
soutien à la transformation et au stockage à hauteur de 80%, un soutien à la
mécanisation par la création de pools d’engins dans les cinq régions
agro-écologiques et une subvention de 15% des coûts d’acquisition des
tracteurs. Ces déclarations d’intentions pour séduisantes et aussi inattendues
qu’elles furent, sont entrées dans l’histoire du Cameroun comme le célèbre
« je vous verrai » avec juste un peu moins de succès…
Quid
du financement alors ?
De
nombreux financements et programmes (tel celui du maïs) existent. Mais l’opacité
et l’incurie dans lesquels ceux-ci sont déployés les rendent totalement
improductifs. Parce que souvent distraits par des faisceaux de complicités.
Espérons que la Banque agricole verra le jour un jour avec des modalités
d’accès aux crédits permettant à nos petits agriculteurs et non pas seulement
aux mêmes ogres qui font main-basse tout, d’en bénéficier.
De
plus il faut qu’un jour les agriculteurs soient mieux organisés et bien
représentés. Le système des GIC est devenu hélas, un créneau de détournements
de fonds publics. D’ailleurs les députés du Sud avec la complicité de leur
nouvel ami le MINEPAT, l’ont bien compris. Désormais c’est le copinage et le
tribalisme qui président à la répartition des financements alors que le suivi
reste inexistant.
Et
pourquoi ne pas mettre sur pied, une politique de consommation prioritaire de
notre production ? Alors que cette proposition est faite depuis des lustres,
le gouvernement inexplicablement refuse d’imposer un taux de dosage de la
farine local (manioc, patate ou igname…) dans la fabrication du pain. Ce qui à
coup sûr stimulerait la production et la consommation du « made in
cameroon ». Comment serait-ce donc possible tant que des ministres seront
importateurs déguisés de farine ?
Le
plus grave est que la situation va encore durer. Du moins pendant qu’ils seront
là. Car le secteur rural qui emploie 60% de la population camerounaise ne
reçoit encore que 3% du budget national.
On
dit du Président BIYA que son papa fût catéchiste et agriculteur. C’est
sûrement pour cela qu’il est patron d’une entreprise qui produit d’excellents
jus d’ananas qui ne sont vendus qu’à l’étranger. Dans mes marches j’ai pu en
consommer dans les back back comme on dit. Monsieur le Président et les autres
alors ?
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